UNIVERSITÉ PARIS 1 - TPTI - PROMO XII FIRMITAS
ENJEUX DE LA PATRIMONIALISATION
dans la Charpenterie de marine








Sous-thématique 1 : La mise en mémoire de la codification des savoir-faire.
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« Codification, patrimoine/patrimonialisation »
©Richard, Aveiro, le 25/10/2019.
Parlant de la charpenterie de marine, les concepts de codification et patrimoine paraissent liés malgré leur trajectoire sémantique distincte. La codification est le fait de rendre tangible et accessible une connaissance tacite. Dans notre cas d’étude, cela pourrait renvoyer au fait de rassembler, à partir de divers moyens ou codes, des savoir-faire pratiques liés à la fabrication de bateaux en bois. Et la notion de patrimonialisation, désigne le processus qui confère à un objet une valeur patrimoniale. Mieux encore, selon le professeur Jean Davallon, c’est le processus par lequel un collectif reconnaît le statut de patrimoine à des objets matériels ou immatériels, de sorte que ce collectif se trouve devenir l’héritier de ceux qui les ont produits et qu’à ce titre il a l’obligation de les garder afin de les transmettre.
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« La construction navale en bois : entre valeurs historique, identitaire, mémorielle et économique »
Pourquoi doit-on sauvegarder et transmettre, patrimonialiser les techniques et savoir-faire en charpenterie de marine ? Cette interrogation pose ici une réflexion sur l’importance de ces savoirs pour une communauté. En effet, le métier de charpentier de marine fait partie de ces métiers artisanaux dont l’expression est intrinsèque à l’homme ce qui entraine qu’il soit porteur de certains nombres de valeurs parmi lesquelles les valeurs historique, mémorielle et identitaire. C’est ce qui ressort clairement des propos de Manuel Montanez lorsqu’il affirme que :
« La forme des bateaux traditionnels et la façon de les construire répondent à la logique et aux exigences de leur utilisation et de leur environnement. Elles sont en lien intime avec un milieu, comme le rapport existant entre une culture et son emprise géographique. Le bateau traditionnel est un objet technique endogène d’un paysage, un artefact en subtile harmonie avec un milieu infiniment diversifié dont ils semblent émaner de façon presque naturelle, une réponse culturelle unique, en symbiose avec son environnement naturel et son espace socio-économique. Dans une culture mondialisée qui tend aujourd’hui à généraliser les habitudes et à mettre en danger de disparition des cultures locales, les bateaux traditionnels de Bénarès sont un exemple de patrimoine vivant et une facette de la mémoire liée à la nature d’un lieu. » (Manuel Montanez, « Les bateaux traditionnels de Bénarès, regards sur une technique de construction ». (e-Phaïstos [En ligne], I-1 | 2012)
L’exemple est certes pris en pays indien, mais il peut évidemment se rapporter à n’importe quelle autre partie du monde où perdure la construction navale traditionnelle. A côté de ces valeurs historique, identitaire et mémorielle, la construction bateau traditionnelle peut générer des revenus. La dimension économique de ce métier a été sérieusement remise en question avec l’arrivée de nouveaux matériaux (fer, plastique) dans la construction navale. Cependant, le métier a su s’adapter avec la restauration de bateaux notamment patrimoniaux et la dimension touristique que cela implique avec les écomusées.
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« Les acteurs du processus de sauvegarde et de transmission des savoir-faire »
©Richard, Chantier tanguy, Douarnenez, 17/01/2019. ©Richard, Ateliers de l’Enfer Douarnenez, 17/01/2019.
Chantiers navals, écoles de formations, institutions muséales et associations ont le mérite d’œuvrer au quotidien, chacun avec les moyens dont il dispose, à la sauvegarde et à la transmission d’un patrimoine culturel riche à plus d’un titre et dont la disparition serait une grande perte pour l’humanité. Mais dans la poursuite de cet objectif, chaque acteur s’interroge sur l’efficacité des mesures et moyens mis en exergue. C’est le cas des conservateurs de musées qui ont de plus en plus conscience de l’impératif de préserver ce patrimoine mais qui s’interroge sur les formes à donner à ce processus. Dans ce processus de sauvegarde et de transmission, l’institution muséale apparait comme le principal acteur avec différents moyens que sont la mise en écrit, l’usage de films documentaires, de la photographie, des maquettes de bateaux, etc., qui représentent des codes permettant de saisir techniques et savoir-faire en charpenterie de marine pour en faire du patrimoine.
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« La photographie comme média de valorisation »
La photographie en tant que source historique nous permet de mettre en lumière un métier comme celui de la charpenterie de marine dont les savoir-faire sont aujourd’hui en danger. Elle constitue un média intéressant dans le processus de conservation et de valorisation de ces savoir-faire liés à une activité artisanale qui a été si importante pour l’histoire des techniques et pour le développement de l’humanité en général. Les enjeux qui gravitent autour des processus de production tels que les nouvelles technologies associées à la construction navale ont presque fait disparaître le travail artisanal des anciens experts artisans. Ainsi, on assiste au développement d’une nouvelle façon de produire des artefacts incluant l’utilisation de nouveaux matériaux et le remplacement de la main-d’œuvre par des machines. Cette condition fait que les produits artisanaux et les savoir-faire ancestraux ont perdu leur valeur sociale et économique, rendant ainsi fondamental le fait de les mettre en valeur afin de maintenir leur importance culturelle et historique, c’est-à-dire patrimoniale.
On peut voir sur les images ci-dessous comment le musée “Escaroupim e o Rio” de la région portugaise Salvaterra de Magos utilise la photo dans son processus de médiation à travers une exposition, afin de ressembler l’identité culturel et artisanale de la région liée aux savoir-faire dans la charpenterie de marine.
© Eduardo, musée “Escaroupim e o Rio”.
Sous-thématique 2 : Le savoir-faire : entre matériel et immatériel.
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« Comment intégrer le vocabulaire technique dans une politique muséographique ? »
La charpenterie de marine regroupe une perspective matérielle à savoir les outils, les bateaux et immatérielle comme le savoir-faire, la technique, le geste et le vocabulaire. Néanmoins, ce dernier aspect est souvent peu développé dans les musées. Pourquoi ? Le vocabulaire n’est-il pas utile à la compréhension au sein d’une politique muséographique ? Des projets de recherches mêlant histoire et technologie commencent à émerger grâce à des historiens des techniques tels que Sylviane Llinares qui a travaillé sur la reconstitution virtuelle du Boullongne, un navire de la Compagnie des Indes orientales du XVIIIe siècle, ou encore Mylène Perdoen, archéologue des paysages sonores, qui a recréé les ambiances sonores du Paris prérévolutionnaire. Il faut également souligner le rôle des charpentiers-restaurateurs dans la muséographie comme au Port-Musée de Douardenez ou au Musée maritime de Tatihou et l’organisation d’ateliers pour valoriser l’aspect immatériel de la charpenterie de marine.
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« Le chantier naval : fait de transmission et de codification »
© montage Frabrizzio.
En matière de recherche et de discussion sur la construction navale, nous rencontrons sans aucun doute l'idée du chantier ou de l'atelier. Cela est dû au fait que, tout au long de l'histoire, ce dernier a agi comme un réceptacle organisateur et articulateur des différentes phases de l'élaboration d'un bateau. Le chantier naval est donc le lieu où le savoir-faire a été généré et transmis de génération en génération jusqu'à aujourd'hui. Il doit donc être considéré non seulement comme un espace de production, mais également comme un élément clé de la transmission et de la codification des connaissances. A travers son étude, on peut appréhender toutes les étapes, les détails et les interactions entre les différents éléments et acteurs impliqués dans la charpenterie et la construction navale. Pour cette raison, il est nécessaire que le chantier naval ou l'atelier soit considéré comme un élément fondamental à patrimonialiser.
Sous-thématique 3 : Le bateau dans le musée.
©Richard Epoh, Venise le 25/06/2019.
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« Constat sur la patrimonialisation des savoir-faire »
Les écoles de charpenterie de marine deviennent les gardiennes du savoir-faire traditionnel en perdition de la construction en bois face au développement d’autres techniques (polyester, métal…). Des connaissances techniques précises ne sont plus requises, le vocabulaire non plus. Il est donc nécessaire de conserver ce vocabulaire historique afin de pérenniser la pratique et l’usage du bois. Cela passe par la nécessité de faire un constat des différents moyens mis en œuvre pour la valorisation du savoir-faire de la charpenterie de marine. Aujourd'hui, on ne parle plus de construction en bois mais de reconstruction ou de restauration. En effet, la construction bois est beaucoup trop chère et la législation contraignante. Si l’on construit ou on restaure, cela se fait souvent dans une optique muséale. Ainsi, le Port-Musée de Douarnenez possède un atelier spécialement dédié à la restauration de bateaux pour ensuite les exposer au sein du musée ou du port qui est visitable. L’objectif premier de cette institution est la conservation du patrimoine maritime et des techniques de construction qui y sont associées.
© Port-Musée Douarnenez.







©Pierre Raffin, Visite virtuelle à 360° du bateau Anna Rosa du Port-musée de Douarnenez, mis en ligne le 19 mai 2017, https://www.youtube.com/watch?v=PwEMAhEk19g